Dans les relations contractuelles entre le maître de l’ouvrage et l’entrepreneur, il n’est pas rare que des difficultés surgissent au cours de l’exécution des travaux.
Il arrive fréquemment que le maître de l’ouvrage ou l’architecte soit confronté à des manquements ou à une exécution fautive de l’entrepreneur, susceptible de compromettre la bonne fin du chantier.
Face à une telle situation, le maître de l’ouvrage dispose de plusieurs leviers : il peut commencer par adresser une mise en demeure formelle à l’entrepreneur afin qu’il corrige les défauts constatés. Si cette démarche reste infructueuse, une procédure judiciaire peut être envisagée.
Lorsque des vices, malfaçons ou autres non-conformités sont reprochés, il arrive fréquemment que l’entrepreneur propose spontanément une réparation en nature.
Cette solution présente un double avantage : elle permet de rétablir la conformité de l’ouvrage au contrat initial, tout en permettant à l’entrepreneur d’éviter des sanctions plus lourdes, telles que la résolution du contrat ou encore la réalisation des travaux aux frais d’un tiers.
L’article 5.87 du Code civil affirme clairement la primauté de la réparation en nature : « Le créancier peut exiger l’exécution en nature de l’obligation, à moins que celle-ci ne soit impossible ou qu’il existe un empêchement légitime. »
Ce principe est également confirmé dans la jurisprudence et doctrine classique. Ainsi, la Cour de cassation a estimé qu’il s’agissait du « mode normal d’exécution forcée tant des obligations de faire que de ne pas faire ». (Cass., 13 mars 1998, J.L.M.B., 2000, p.236)
Une faculté toutefois encadrée par certaines limites…
En droit belge, il existe donc une règle de primauté de la réparation en nature : le juge devra ordonner l’exécution en nature si le créancier l’exige ou si le débiteur le propose. Cependant, ce droit n’est pas absolu et comporte certaines limites.
Dans un arrêt rendu le 3 octobre 2019, la Cour de cassation a précisé que la réparation en nature ne peut être exigée ou acceptée que si elle présente une réelle utilité, si elle est matériellement réalisable, et si elle émane d’un entrepreneur agissant de manière sérieuse et de bonne foi.
Une première limite réside dans l’interdiction de l’abus de droit. Ce principe s’applique, par exemple, lorsque les coûts de la réparation sont largement disproportionnés par rapport à l’intérêt que présente la remise en état pour le maitre de l’ouvrage. Dans une telle situation, l’entrepreneur ne pourra pas imposer une exécution en nature, mais devra accepter une compensation pécuniaire comme forme de réparation.
Une seconde restriction réside dans l’impossibilité d’exécution. Celle-ci peut être caractérisée, par exemple, lorsque le maître de l’ouvrage démontre que la confiance est irrémédiablement rompue, lorsque l’entrepreneur demeure passif face à ses obligations ou conteste à tort l’existence d’un défaut manifeste. L’impossibilité d’exécution est également avérée si l’entrepreneur ne dispose pas des accès à la profession pour exercer son activité.
Notre conseil :
Avant d’envisager une procédure ou de refuser une proposition de réparation en nature de la part de l’entrepreneur, le maître de l’ouvrage a tout intérêt à consulter un avocat ou un professionnel du droit de la construction. De même, l’entrepreneur gagnera à formuler rapidement et formellement son offre de réparation, en veillant à démontrer sa bonne foi, sa réactivité et la faisabilité technique des travaux correctifs.
Une bonne communication et une documentation rigoureuse (courriers, constats, expertises, délais proposés) peuvent souvent prévenir un contentieux long et coûteux. Il est essentiel, pour les deux parties, de comprendre que la réparation en nature n’est pas seulement un droit — c’est aussi un outil de résolution amiable à ne pas négliger.
Auteurs : Jeanne Derycke et Laurent-Olivier Henrotte, avocats chez Lexing