19/09/25

L'arbitrage: gare terminus ou simple escale?

Imaginez...

L'un de vos partenaires commerciaux affirme que votre entreprise abuse de sa position dominante et menace de saisir la justice pour mettre fin à cet abus et réclamer des dommages et intérêts. Une solution à l'amiable s'avère impossible.

Afin d'éviter un long procès devant les tribunaux ordinaires, vous proposez de régler le litige par voie d'arbitrage. La partie adverse accepte, la procédure d'arbitrage se déroule sans encombre et le résultat est positif : les arbitres rejettent l'allégation d'abus de position dominante.

Vous êtes soulagé jusqu'à ce que vous receviez un message de votre avocat quelques semaines plus tard. La partie adverse ne semble pas accepter la décision et saisit finalement le tribunal. Vous êtes surpris par cette nouvelle. Est-ce possible ? L'arbitrage n'était-il pas définitif ?

Quelques précisions 

L'arbitrage est une forme de règlement extrajudiciaire des litiges. Les parties choisissent de ne pas porter leur litige devant les tribunaux ordinaires, mais de le faire trancher par un ou plusieurs arbitres. Cela est possible si toutes les parties concernées acceptent de recourir à l'arbitrage avant ou après la survenance du litige.

Les parties déterminent elles-mêmes le lieu, le droit applicable et la langue dans laquelle la procédure se déroule. Elles peuvent organiser elles-mêmes la procédure d'arbitrage ou opter pour une procédure organisée par une institution d'arbitrage nationale reconnue ou de la Chambre de commerce internationale.

L'arbitrage présente d'autres avantages. Les arbitres sont désignés en raison de leur expertise particulière, la procédure peut se dérouler de manière confidentielle et la sentence arbitrale est exécutoire dans de nombreux pays grâce à la Convention de New York de 1958. L'arbitrage est également plus rapide qu'une procédure judiciaire classique, notamment parce qu'il n'y a en principe pas de recours possible et que la sentence arbitrale est définitive.

Cette dernière affirmation doit être nuancée. Le caractère définitif des sentences arbitrales n'est pas absolu. En vertu de la législation nationale, les parties peuvent généralement introduire une action en annulation devant les tribunaux ordinaires contre une sentence arbitrale définitive afin de vérifier si les règles d'ordre public ont été respectées. Ces règles comprennent notamment le droit de la concurrence.

À cet égard, l'arrêt rendu récemment par la Cour de justice de l'Union européenne dans l'affaire RFC Seraing est particulièrement intéressant. Cette affaire concernait des sanctions infligées par la Fédération internationale de football association (FIFA) au club de football belge RFC Seraing pour violation des statuts de la FIFA.

Le RFC Seraing a contesté ces sanctions devant le Tribunal Arbitral du Sport (TAS) à Lausanne, en Suisse, puis devant la Cour suprême suisse, qui ont tous deux confirmé les sanctions imposées.

Parallèlement, le RFC Seraing a également engagé une procédure devant les tribunaux belges. Le club a fait valoir que les dispositions concernées des statuts de la FIFA constituaient une violation du droit européen de la concurrence. Les juges belges se sont d'abord déclarés incompétents en raison du caractère définitif de la sentence arbitrale du TAS. L'affaire a finalement été portée devant la Cour de justice de l'Union européenne par le biais de questions préjudicielles.

La Cour a estimé que les sentences arbitrales relatives à des litiges concernant des activités au sein de l'UE doivent pouvoir être contrôlées au regard des règles d'ordre public européen. Il s'agit là des règles fondamentales telles que le droit de la concurrence ou la libre circulation des travailleurs, des services et des capitaux.

Afin de garantir la bonne application de ces règles d'ordre public européen, les parties concernées doivent toujours avoir accès à une juridiction nationale d'un État membre de l'UE qui peut poser des questions préjudicielles à la Cour de justice de l'UE. Les règles des États membres – et des associations sportives – qui rendent un tel contrôle impossible doivent être écartées.

Le tribunal belge ne pouvait donc pas rejeter les demandes du RFC Seraing uniquement en raison du caractère définitif de la sentence arbitrale du TAS. Ni le TAS ni la Cour suprême suisse ne peuvent soumettre de questions préjudicielles à la Cour de justice. C'est pourquoi le RFC Seraing doit avoir accès à une juridiction nationale d'un État membre de l'UE (en l'occurrence la Belgique) qui peut le faire. Cette juridiction nationale doit pouvoir contrôler la sentence arbitrale au regard des règles de l'ordre public européen, y compris le droit de la concurrence.

Bien que l'arrêt se concentre sur l'arbitrage sportif par le TAS, ses considérations ont une portée plus large. La Cour souligne que l'arbitrage ne peut être utilisé (ou abusé) pour contourner les règles de l'ordre public européen.

Concrètement

  • L'arbitrage est une alternative à part entière à une procédure judiciaire classique. Il offre flexibilité, expertise, confidentialité, force exécutoire internationale et rapidité.
  • Une sentence arbitrale est en principe définitive, mais la législation nationale prévoit généralement que les parties peuvent introduire un recours en annulation devant un tribunal. Dans ce cas, le juge ne procède pas à une nouvelle évaluation complète, mais vérifie si les règles d'ordre public et les exigences en matière de procédure ont été respectées.
  • La Cour de justice de l'Union européenne confirme qu'une sentence arbitrale doit pouvoir être contrôlée au regard des règles d'ordre public européen, y compris le droit de la concurrence, par un tribunal d'un État membre de l'UE.
  • L'idée sous-jacente est que l'arbitrage ne doit pas être utilisé pour contourner les droits fondamentaux. Les juges restent ainsi les gardiens d'un règlement équitable des litiges et du respect des règles d'ordre public.
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