Ce 23 septembre 2025, la commission « Justice » de la Chambre a examiné la proposition de loi déposée par Mme Sophie De Wit et consorts (N.V.A.) « modifiant le Code pénal en vue d’imposer l’obligation de déclarer certaines infractions commises sur des mineurs ou des personnes vulnérables » (notamment des faits d’abus sexuels ou de violences intrafamiliales).
En résumé, la proposition tend à remplacer la faculté, pour des professionnels tenus au secret, d’informer le procureur du Roi, dans certains cas et sous certaines conditions, de situations de danger dans lesquelles se trouvent des personnes vulnérables, dont des mineurs, par une obligation de le faire, des peines d’emprisonnement et d’amende étant prévues pour les contrevenant(e)s !
À leur demande, les deux Ordres communautaires, O.B.F.G. et O.V.B., ont été invités aux auditions organisées par la commission et ont exposé et déposé un avis dressé en commun qui conclut fermement, au terme d’un argumentaire juridique et factuel solide, au rejet de la proposition. Vous pourrez en prendre connaissance en cliquant sur ce lien.
Loin de moi l’idée de soutenir que les personnes vulnérables (une définition paraît cependant indispensable) ne nécessitent pas une protection particulière mais encore faut-il ne pas manquer la cible.
Mon propos n’est pas de paraphraser les arguments juridiques pertinents développés dans notre note mais de souligner que, d’un point de vue factuel, notre monde politique s’attaque au secret professionnel de l’avocat, pourtant fondement de l’état de droit, et, en l’occurrence, au secret des autres professions qui y sont tenues, sans aucun bénéfice réel pour le justiciable/citoyen, que du contraire.
Comme l’écrit très justement la commission de déontologie de la prévention, de l’aide à la jeunesse et de la protection de la jeunesse de la Fédération Wallonie-Bruxelles dans son avis d’initiative, « L’adoption de la proposition de loi ferait prévaloir une logique de gestion du risque. … Cette logique de gestion du risque entraînerait paradoxalement d’autres risques : celui de n’être jamais informé de situations délicates, les victimes ou leurs proches craignant de se confier, et celui de perdre la possibilité de protéger des mineurs en danger grâce à une approche adéquate avec les outils de l’aide et des soins, ce qui suppose un cadre de confiance protégé et la possibilité de nouer une forme de relation d’alliance thérapeutique ou éducative avec leurs proches. »
Ce qui vaut pour les mineurs vaut pour toute victime : l’obligation de dénonciation réduit à néant le lien de confiance entre l’avocat et son client, lien particulièrement indispensable face aux situations envisagées.
L’Ordre des médecins, insiste sur le même élément en écrivant dans son avis : « Les confidences sur les agressions subies ou commises interviennent plus facilement dans un climat de confiance, fondé sur le secret professionnel, qui permet de s’exprimer sans honte et sans crainte ».
Et il ajoute : « D’une manière générale, l’expérience atteste que la justice ne peut tout résoudre seule. C’est aussi une fonction de l’État d’encourager chacun à prendre ses responsabilités et à collaborer avec les autres acteurs sociaux. Obliger de recourir à la justice n’apporte pas toujours une solution satisfaisante et peut aggraver la souffrance des victimes.
Le débat hiérarchique entre l’aide et la justice doit céder la place à une autre hiérarchie : c’est la victime qui doit passer en premier, et les structures doivent s’adapter à ses besoins. La justice et les services d’aide doivent construire des ponts pour renforcer mutuellement leur expertise dans la prise en charge des victimes. »
« Faire passer la victime en premier » c’est très précisément la volonté d’AVOCATS.BE : lors de l’assemblée générale du 23 juin dernier il a été décidé que chaque barreau organisera des formations spécialisées pour l’accompagnement de victimes de violence intrafamiliale ou sexuelle et tiendra, au B.A.J., une liste des avocats ainsi formés vers qui les plaignants pourront être dirigés, sur la base de conditions propres au barreau dont relève l’avocat.
De plus, en collaboration avec l’O.V.B., nous menons actuellement des démarches afin que la première intervention au bénéfice de ces victimes puisse être couverte par l’aide juridique de seconde ligne.
Stéphane Gothot
Président AVOCATS.BE